– On n’a plus qu’à faire venir une bestiole qui vole avec la liseuse de Merlin ! dit Djazz. – Trop génial ! s’exclame Abigaëlle. Alors je suggère… – Ne vous emballez pas trop ! tempère Méline. Je vous rappelle qu’on peut seulement invoquer des hologrammes. – C’est vrai, ajoute Neoh. Quand j’ai essayé de toucher Gutenberg, ma main est passée au travers… – Mince, je me voyais déjà voler sur une créature fantastique… rêve Abigaëlle. Tous baissent la tête, résignés. – Je… Je peux le faire ! Je peux créer une potion pour matérialiser l’hologramme. J’ai déjà vu la formule dans un livre, seulement je n’y comprenais rien. Hortensia m’a raconté que les recettes les plus puissantes sont souvent écrites dans un langage codé pour qu’elles ne puissent être comprises que par de véritables druides. Elle m’a expliqué que je ne devais pas lire les mots, mais les écouter. On appelle cela la langue des oiseaux. – Si j’ai réussi à défier le fantôme du Gué, tu peux réussir à être un vrai druide ! dit Abigaëlle, galvanisée par son aventure. – Tous chez Neoh ! Méline se met en route, ses amis sur les talons. – Nous y voilà ! s’exclame Neoh. Je vais préparer mon plan de travail ! Abigaëlle, ta mission est de trouver le livre Formules à écouter de Louis Fine. Djazz, tu surveilles Asha, histoire qu’il ne mange pas n’importe quoi. Quant à toi Méline, tu surveilles Djazz ! – Non mais oh ?! proteste Djazz. – Mon labo, mes règles ! rétorque Neoh. – J’ai le livre ! s’exclame Abigaëlle, habituée à fouiner dans les rayons des bibliothèques. – Déjà ? Bien joué ! Pose-le sur le pupitre ici… Neoh parcourt une à une les recettes de l’imposant grimoire, plus concentré que jamais. Au bout d’une longue demi-heure, il s’arrête sur une page, la regarde longuement, plisse les yeux et les colle à quelques centimètres du livre, relève la tête, se caresse la barbe de haut en bas, de bas en haut, puis à nouveau de haut en bas… Ses trois comparses observent impatiemment son manège, jusqu’à ce qu’il lève les mains en l’air et proclame : – J’y comprends rien. – QUOIII ? s’exclament en chœur Méline, Djazz et Abigaëlle. Même Asha aboie pour témoigner son mécontentement. – Venez voir ! Les trois filles approchent et lisent : Faites la moue pour des poêles que je perdis, Les lois aux plus médisants. Pense, agis, rafle tout ! Cours ! Jette ! Mais l’ange, aussi sorti, Si près d’une branche, Diminue tant, tout épuisé. – C’est une recette, ça ? s’inquiète Méline. C’est pas possible, ça veut rien dire… – Si, par exemple Cours ! Jette !, ça fait « courgette » ! Il faut donc une courgette pour réaliser cette potion. Mais le reste est plus compliqué… – Trop cool ! s’exclame Abigaëlle. J’adore jouer avec les mots ! Tous se mettent à réfléchir à l’énigme. Tous sauf Djazz, qui est allée roupiller dans un coin avec Asha. – Perdrix, oiseau plumé disant… Courgette, mélange, 6 orties, 10 minutes en tout et… propose Abigaëlle. – Pour Faites la moue, je pense qu’il faut décomposer comme ça : « fai-tes-lam », fais tes lames ? Et pour Si près d’une branche, j’entends « cyprès ». – Super ! Avec votre aide, je pense que j’ai tout compris : Faites la moue pour des poêles que je perdis : la moufette pour des poils de queue, 10 paires ; Lois au plus médisant : oiseaux plumes, mets 10 en ; Pense, agis, rafle tout ! : panse à girafe, le tout ; Cours ! Jette ! : courgette ; Mais l’ange, aussi sorti : mélange aux 6 orties ; Si près d’une branche : cyprès, une branche ; Diminue tant, tout épuisé : 10 minutes en tout et puisez ! – …Une panse de girafe ? – C’est une partie de l’estomac qu’on trouve chez les ruminants, répond Neoh à Méline. – Je sais ce que c’est, mais où est-ce qu’on va pouvoir trouver ça à Servon ?? – Les panses sont souvent utilisées dans les préparations druidiques. Grâce à leur importante population microbienne, elles agissent comme des cuves de fermentation, ce qui permet de dégrader les nutriments. Un agriculteur du coin me fournit régulièrement en panses de vaches, ça devrait faire l’affaire. Neoh s’attelle à la préparation de la potion au-dessus de son immense chaudron. La vapeur qui en émane change de couleur à chaque ingrédient ajouté. Pendant ce temps, les filles parcourent les livres de la liseuse, à la recherche de la plus cool des créatures volantes. Soudain, les bruits d’ébullition s’arrêtent. Neoh sort de la fumée, une grande fiole à la main. – Il est temps de procéder à l’invocation. Tous se précipitent dehors. Abigaëlle pose avec conviction son index sur la liseuse. Une créature majestueuse apparaît, mi-cheval, mi-aigle : un hippogriffe ! Il toise les jeunes aventuriers. – Vite, il faut s’incliner devant lui ! C’est ce que dit Hagrid dans Harry Potter ! Les quatre compères s’exécutent. L’hippogriffe les salue en retour. – Ça veut dire qu’il est d’accord pour qu’on monte sur son dos ! s’enthousiasme Abigaëlle. Neoh approche de la créature et verse sa potion sur l’hologramme, qui se matérialise au fur et à mesure que l’étrange liquide le recouvre. Djazz caresse prudemment la tête de l’animal. – Je le sens sous mes doigts… T’as réussi, Neoh !! – En selle ! intime Méline. Les invocations ne restent jamais très longtemps, il ne faudrait pas qu’il disparaisse en plein vol. Les quatre héros montent à toute vitesse sur le dos de l’hippogriffe, qui décolle aussitôt. Abigaëlle nage en plein rêve. Soudain, le vent lui fait parvenir ce qui semble être une larme de Neoh. – Neoh, tu pleures parce que t’es allergique à l’hippogriffe ? – Non, c’est juste l’émotion d’être devenu un vrai druide… Tandis que les enfants disparaissent dans les nuages, Asha, bleu de peur, laisse sur leur passage un arc-en-ciel de paillettes…
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